Test Elden Ring Nightreign : une bonne formule mal dosée
Du roguelike dans mon Souls

Après l’extraordinaire carton d’Elden Ring, FromSoftware a surpris son monde avec Elden Ring Nightreign. Non pas qu’une autre déclinaison de l’univers soit impensable, surtout après presque 30 millions de titres vendus, mais son timing d’annonce fut inhabituel. Présenté aux Game Awards 2024, quelques mois à peine après le DLC Shadow of the Erdtree, Elden Ring Nightreign est un plus petit projet, pensé pour capitaliser sur le succès d’Elden Ring. Tout en apportant une autre vision des choses, avec un véritable mode multijoueur et de forts accents de roguelike. Sur le papier, il y a de quoi plaire. Mais les limites que l’on peut imaginer face aux contours du projet sont bien réelles.
Ce test a été réalisé sur PC via un code fourni par l’éditeur.
FromSoftware définit Elden Ring Nightreign comme un « jeu coopératif de survie ». Dans les faits, on est bien plus proche d’un Souls auquel on a voulu insérer des mécaniques de roguelike ou même de battle royale, sans forcément se soucier de l’équilibre du mélange. Côté combats en revanche, aucune inquiétude à avoir. Ils sont identiques à ceux du jeu principal, reprenant logiquement toutes les mécaniques présentes dans Elden Ring.
Le titre nous envoie dans une version repensée de Nécrolimbe, où il va falloir agir vite pour s’équiper et vaincre le seigneur de la nuit qui fait rage. Chaque partie se déroule selon le même schéma : l’équipe est envoyée sur la carte, et dispose d’une journée pour explorer, s’équiper et se renforcer, avant d’affronter un premier boss. Puis rebelote pour une seconde journée, un nouveau boss, avant la confrontation finale contre le Nightlord.
Jour, nuit
Il faut donc exploiter au mieux chaque journée pour récupérer expérience et armes, dans une aire de jeu qui rétrécit avec le temps, telle une zone de n’importe quel BR. Une journée dure environ quinze minutes, avec deux phases de rétrécissement pour la zone. Ce qui impose un rythme assez infernal à la partie, où chaque seconde compte. Pas question de perdre son temps à tergiverser sur quel point d’intérêt explorer, sous peine d’être drastiquement en déficit de niveau face au premier boss.
Des choix doivent donc être effectués, entre privilégier des petits camps pour de l’expérience facile, ou s’attaquer à de plus grosses structures, forcément plus coriaces mais aussi plus généreuses en loot – les boss apportant généralement le choix entre deux armes de qualité supérieure. Le tout en faisant un petit détour obligatoire sur une ou deux églises, histoire de récupérer des doses de fiole.
Fort heureusement, les déplacements dans Elden Ring Nightreign sont aux antipodes du jeu de base. Les personnages peuvent enchaîner les sauts pour escalader les falaises dans un style qui rendrait jaloux Torrent. La charge de l’inventaire est également inexistante, puisque celui-ci est géré différemment – on y reviendra. Surtout, il n’y a aucun dégât de chute à déclarer. Forcément désarçonnant au premier abord, mais on finit par prendre le pli et crapahuter dans tous les sens sans se soucier des méfaits de la gravité.
De toute façon, la découverte n’est pas du tout au cœur du gameplay, au contraire de ce qui faisait le charme d’Elden Ring. Si la carte varie à chaque partie, il n’y a finalement que très peu de variations disponibles, et l’on repère vite où sont les structures clés. Et puisque les expéditions suivantes reprennent la même carte, en y ajoutant simplement une variation, comme un cratère ou une ville, le manque de diversité se fait vite ressentir.
La simplification du build
Niveau expérience aussi, le tableau est bien différent du jeu de base. Le leveling se fait uniquement à un site de grâce, et les runes sont perdues à la mort, jusque là rien de révolutionnaire pour le genre. L’expérience étant d’ailleurs partagée avec toute l’équipe en multi, pour éviter tout problème. Mais pas question en revanche de personnaliser son build en investissant dans certaines statistiques.
L’évolution se fait automatiquement, en fonction de la classe choisie au départ. En plus de l’arme de départ, celle-ci donne également accès à deux compétences, que l’on peut globalement résumer à une utilitaire et un ultime. Elles ne consomment pas de PC, mais disposent simplement d’un cooldown qui va varier en fonction de leur puissance.
Les builds de personnages sont d’ailleurs extrêmement simplifiés. Ici, le joueur dispose de trois emplacements d’arme pour chaque main, et de trois options de consommables. Mais chaque arme peut avoir un passif, qui s’active même si l’arme n’est pas équipée. Une manière de récompenser le loot et éviter la frustration de simplement drop des armes avec lesquelles on n’a aucune affinité.

Monter de niveau est un simple processus automatique, et non plus une respiration entre les affrontements. Ce qui contribue à donner au titre un rythme effréné, où il faut enchaîner sans relâche les combats pour se préparer au mieux face au boss de la nuit. Car si la mort peut se montrer punitive la journée, avec la perte d’un niveau qu’il faudra récupérer avec ses runes, sa sentence est irrévocable face aux boss de la nuit.
Une défaite entraîne automatiquement la fin de la partie, et donc forcément énormément de frustration, encore plus en solo. Oui, il est possible pour une équipe de réanimer un allié tombé au combat, en le frappant pour le remettre sur pied. Mais si toute l’équipe tombe, c’est retour à la table ronde. 15 minutes intenses à courir partout, essayer de trouver un bon équipement, parties en fumée parce que l’on a pas forcément compris le pattern du boss. Et aucune possibilité de prendre directement sa revanche, il faudra faire mieux à la prochaine session. Autant dire qu’on a connu mieux pour essayer d’appréhender un adversaire.
Toujours à fond
Et l’on touche là au plus gros problème de Elden Ring Nightreign. Sur le papier, tout est là pour offrir une expérience intéressante mais intense. Mais l’équilibrage et certaines mécaniques de base sont trop brutes pour espérer proposer quelque chose qui conviendra au grand public. Là où Elden Ring proposait une horde d’options pour mieux appréhender un combat difficile ou simplement le repousser à plus tard, ici, aucun pardon. Toute sortie est définitive, et celle-ci peut arriver très vite pour peu que l’escouade ne soit pas remplie de joueurs aguerris.
Surtout, Elden Ring Nightreign pèche par sa conception. Généralement, affronter un ennemi d’élite dans un Souls-like demande un peu de préparation et de dextérité. Apprendre des patterns, recommencer autant de fois que nécessaire pour s’améliorer et enfin le vaincre. Mais ici, il n’en est rien. Une défaite contre un boss, et c’est au minimum 15 minutes qui s’envolent avant de pouvoir espérer l’affronter à nouveau. Et parfois plus, puisque chaque nuit dispose de deux boss disponibles. Autant dire qu’apprendre les combats contre les Nightlords va demander un effort intense.

Il en va de même pour tous les boss que l’on peut croiser dans le jeu. Oui, tous les assets sont repris d’Elden Ring. Cela va des environnements aux armes, en passant par tous les monstres. Et puisque les mécaniques de combat sont communes aux deux titres, il n’y a pas tout ce process où il faut réapprendre un nouveau jeu.
Mais un joueur occasionnel n’aura pas forcément en tête le comportement de la Chimère léonine ou d’une Sentinelle draconique. Il sera en revanche puni s’il essaye de les affronter, puisque cela résultera en du précieux temps de perdu. Et donc se retrouver affaibli face aux ennemis suivants, et ainsi de suite. Une boucle qui risque de rapidement en repousser plus d’un, d’autant plus que les ennemis du genre sont légion.
Le côté roguelike n’est d’ailleurs finalement que très minime. Puisque seules quelques reliques, récupérées à la fin de chaque run, peuvent être équipées à votre personnage pour le renforcer entre chaque session. Un boost minime, et qui n’a que très peu d’incidence sur l’expérience de jeu.
L’enfer du solo
Le titre a été pensé pour être une expérience multi, et ça se voit. Il est équilibré pour qu’une équipe se répartisse la carte et accumule énormément de runes pour que tout le monde puisse level up. Les combats sont faits pour faire face aux boss à trois, pour facilement venir à bout des petites hordes et facilement gérer l’agro. Les élites arrivant par pack de trois ou se séparant en trois parties sont d’ailleurs légion.
En revanche, le solo semble être une option ajoutée à la va-vite en plein milieu du développement, mais sans vraiment équilibrer l’expérience. Comme si quelqu’un s’était enfin rendu compte que d’offrir la simple possibilité de jouer à 3 était rédhibitoire pour le succès du titre. L’arrivée future d’un mode 2 joueurs, non présent au lancement, va d’ailleurs dans ce sens. Et on ne parlera même pas de l’absence de crossplay, limitant encore plus les possibilités.
Mais difficile en l’état de conseiller à quiconque de se lancer dans l’expérience en solo. Le rythme est calibré pour trois personnes, les combats de boss pensés pour jongler à trois, et les mécaniques extrêmement punitives pour un joueur isolé. Pas question par exemple d’avoir le droit à une seconde chance en se relevant face à un boss de fin de journée. Et ce n’est pas parce que les barres de vies sont légèrement plus petites en solo que cela rend la chose plus accessible.
La seule option pour prolonger le combat est d’être passé par la taxe solo, en achetant auprès d’un marchand un objet offrant une résurrection à usage unique. Une petite « mécanique cachée » comme les Souls en raffolent et dont Elden Ring Nightreign abuse, comme si l’on avait du temps à perdre pour essayer de trouver des secrets.
Par exemple, il existe des talismans à récupérer pour renforcer certaines de ses statistiques. Ils sont obtenus en tuant les scarabées qui généralement redonnent des stacks de fiole. Et, pour les trouver, il existe une carte, au sommet d’une tour quelque part sur la carte. Autant dire que c’est toute une expédition pour espérer en intégrer un dans son build sans avoir la chance de simplement croiser un scarabée.
On pourrait également passer des heures à mentionner toutes les situations frustrantes engendrées par une expérience en solo. Comme cette double peine en cas de mort face à un boss alors que le feu arrive et qu’il force à perdre définitivement ses runes et un niveau, ou ces nombreux cas où plusieurs ennemis majeurs se regroupent au même endroit pour vraiment rendre le combat injouable.
L’expérience est véritablement aux antipodes d’Elden Ring, et sans tirer les leçons de son succès. Cela se ressent d’ailleurs dans la boucle de gameplay, qui donne finalement l’impression de tourner très vite en rond. Pas beaucoup de diversité dans les environnements et les ennemis à affronter hormis les boss de nuit et les Nightlord.
Un sentiment d’être en permanence pressé par le temps, quand un combat contre un boss dans un Souls demande généralement un peu de patience et d’apprentissage. Bref, Elden Ring Nightreign pourra trouver sa place auprès des amateurs du genre qui cherchent une expérience différente de ce que procure un randomizer. Mais difficile de l’imaginer conquérir le cœur du grand public tant il fait peu d’efforts pour l’amadouer.
Le bilan du test de Elden Ring Nightreign

Sur le papier, Elden Ring Nightreign a tout pour plaire. Un plus petit projet pour patienter entre deux titres majeurs de FromSoftware, qui reprend les assets d’Elden Ring pour offrir une expérience différente mais qui peut résonner auprès des joueurs. Mais son équilibrage et sa conception basée sur le trio, aux antipodes de tout ce qui a fait le succès du jeu de base, ne devrait convaincre que les plus aguerris des joueurs de Souls. Le grand public devrait quant à lui vite se retrouver épuisé par un rythme effréné et punitif, qui a grandement besoin d’ajustements. Encore plus si l’on compte s’y aventurer en solo.
Les points forts
- Une formule séduisante sur le papier…
- Tout le système de combat d’Elden Ring est là
- L’exploration facilitée
- Les différentes classes et leur identité
Les points faibles
- … Mais à l’équilibrage bancal
- Absolument pas pensé pour le solo
- Un rythme vraiment pas adapté aux mécaniques des Souls
- Parfois beaucoup trop punitif
- Un manque de diversité dans les environnements
- L’impression de vite tourner en rond